Moulins à vent: historique

Publié le par Petits potins_10

Moulins à vent.

 Quelle histoire !

 

 

 

 

 

   

 Le moulin à vent tient une place particulière dans notre imaginaire. Edifice remarquable entre tous dans les campagnes jusqu’à la fin du 19ème siècle, il a toujours suscité curiosités et passions.   

 

 

  

Peu d’écoliers ignoraient autrefois le fameux « Meunier tu dors » à chanter en canon avec mime. Maître Cornille est aussi célèbre que le  Renart des fables, et Pampérigouste lieu-dit « Les Cigalières » évoque irrésistiblement les chaleurs de Provence. Moins connu, mais tout aussi pittoresque était « Bringuenarille, avaleur de moulins à vent » dont Pantagruel entend conter les mésaventures. (Quart livre. C.44)  

Le meunier des campagnes n’avait pas toujours bonne réputation. On le soupçonnait de mille vilénies, des plus rustiques (mouiller la farine) aux plus graves (espionnage). 

Etabli généralement à quelque distance du village et des chemins, la grande silhouette décharnée aux bras géants avait jadis provoqué l’hallucination devenue mythique de Don Quichotte. Le danger que représentaient les ailes en mouvement limitait le choix des emplacements. Sous l’Empire, on établit une distance réglementaire d’au moins 70 m de la route, car l’ombre des voiles projetée au sol effrayait les chevaux ! Le bruit n’était pas sans conséquence : déploiement de la toile dans le vent, car le moulin était grée comme un navire, craquements de la charpente sous les efforts considérables développés par la rotation de la meule. Jacques Loiseau, dans un article de « l’Escarboucle » (n°46. printemps 2002. « Quand le Parc avait des ailes. ») relevait la concordance entre l’implantation des moulins et les toponymes dérivés de « nuisance », fréquents dans nos contrées sous la forme « Nuisement ». Montez à l’occasion dans la cage d’un moulin  pivot en fonctionnement. Il en existe deux beaux exemplaires à Villeneuve d’Ascq, près de Lille. Vous entendrez craquer la mâture,  vibrer les planchers et les montants, et tout l’édifice trembler comme un navire en partance.

 

 

 

 

 

  

  Comme nous l’avons déjà indiqué, la commune de Dosches (Aube), soutient activement  : le projet mené par Erwin Schriever  consistant à reconstituer à l’identique un moulin à vent champenois. Cette initiative s’appuie sur une forte tradition d’implantation de telles installations dans la contrée. «  L’ancienneté des moulins à vent dans le sud de la Champagne remonterait au 13ème siècle… » (M Tomasson. « Moulins à vent en Champagne » in Revue des moulins de France .nov. 1984). 85 sont attestés au 18ème siècle et 145 au milieu du 19ème. De tous les lieux recensés, il apparaît que la « Côte de Champagne » que longe notre « Route du balcon du Parc » était particulièrement bien équipée.   Six communes totalisaient 15 installations. Les nombres varient selon les auteurs. L’étude la plus récente, celle de JL Peudon (« Aux origines d’un département : l’Aube en Champagne » ; p 78 et ss) en relève 1 à Laubressel, 1 à Rosson, 1 à Auzon les Marais, 2 à Mesnil-Sellières, 6 à Piney. On en trouvait à Onjon, Bouy-Luxembourg, 4 à Brévonnes. JL Peudon note que 50% d’entre eux étaient postérieurs à la révolution. Pour sa part, J Loiseau (op. cité) travaillant sur la carte de Cassini et sur la toponymie signale 1 à Brévonnes, 1 à Rosson (Dosches), 2 à Géraudot, 2 à Laubressel, 2 à Onjon, 3 à Piney, 1 à Val d’Auzon. 

Pierre Garraud dans son étude «  Une histoire de Moulin à vent à Mesnil-Sellières et ailleurs. 2004) a dépouillé le rapport du directeur des contributions de 1821 : 1 moulin à Auzon, 1 à Bouy, 1 à Brévonnes, 1 à Dosches, 1 à Géraudot, 2 à Mesnil-Sellières, 2 à Onjon, 5 à Piney, 2 à Rouilly-Sacey. La revue « Lou Champaignat » ( Moulins à vent de Champagne. N° 22) signale Assencières, Bouy-Luxembourg, Brévonnes, Dosches (Rosson), Géraudot (2) ;, Laubressel, La loge aux Chèvres, Mesnil-Sellières, Onjon, Piney (2 ou 3) , Rouilly-Sacey.  

Quand à E Bernot, dans son « Histoire de Géraudot. » ( La communauté et la commune.1909.p 6 ) il en dénombre 4 sur son finage : « le Moulin Corberon à l’ouest du château, lieu-dit « le moulin brûlé » ; le moulin banal du Buisson Renard, le moulin du Fort Saint Georges et celui de Heurtebise appartenant à la Commanderie de Troyes. » 

Les différences s’expliquent par les documents et dates de référence. Le moulin à vent, contrairement aux églises et châteaux, n’est qu’un édifice à usage industriel, périssable et autrefois trivial Ce qui explique sans doute en partie la difficulté rencontrée pour en restituer les plans. Le maître charpentier explique volontiers que l’élaboration est avant tout affaire d’expérience et de « bon sens » !  

En ce qui concerne les 2 moulins de Mesnil-Sellières, dont l’histoire a été largement étudiée par P. Garraud, leur disparition est datée. Le moulin de «  La Rochelle , mené par Henri Victor fut détruit en 1864, et celui de «  La Croix Maillet  » mené par Jean Baptiste Verluise fut abattu en 1877 ou 1879 (maison démolie en 1863).  

  :          Le moulin de Dosches   

 La traditionnelle densité locale des moulins s’explique par plusieurs facteurs : un site naturel exposé aux vents, les productions céréalières importantes dans une région qui ne dispose pas de cours d’eau ( pas de moulin à eau )  

 

 

 

 

 

  

Le mécanisme des moulins champenois n’a rien de particulier. Seule l’allure diffère sensiblement. Le pivot est généralement maintenu par 4 pieds (parfois 8)  reposant sur des socles de pierre. La cage a un air perché et penché. La toiture mansardée et galbée, tandis que les côtés sont recouverts d’essentes, « robe de bois souvent très longue, dépassant anormalement le bas de la cage… »  

 

La reconstitution entreprise à Dosches s’inspire notamment d’une vue ancienne du Moulin d’Origny-le-Sec. La hauteur sera de 20 m au niveau des ailes, 13 m à la toiture. La cage mesure 4,20 m en façade et 8 m en profondeur. L’ensemble pèsera 28 tonnes. Chaque aile mesure 10,12 m . L’axe de rotation des ailes est incliné de 19° par rapport à la verticale. Cette disposition augmente la « portance au vent » comme diraient les amateurs de voile. Elle permet aussi d’abaisser l’axe de rotation, l’aile « évitant » le trépied du moulin grâce à son inclinaison. Au plus bas, l’aile est à 30 cm du sol, ce qui permet au meunier de grimper dans les « vergues » pour arrimer la toile. Chaque aile porte 24 vergues et mesure 2,30m de large. Le bord d’attaque de l’aile est affiné et voilé. Tous les moulins tournent de ce fait, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Un vent force 2 suffit à mettre en branle la machinerie.  

A l’atelier, 16 stagiaires s’affairent pour un projet qui aura mobilisé une centaine de personnes depuis septembre 2004. Seuls outils : le marteau, la scie, le ciseau à bois, les équerres, le mètre. A l’ancienne. Sauf le transport sur le site définitif qui nécessitera naturellement l’emploi d’une grue !  

Le compagnon à l’œuvre travaille déjà sur le blason de l’ouvrage qui portera épis de blé et « annille » ( pièce métallique qui maintien la meule et représente un moulin à vent en héraldique)  

Petit essai d’ histoire du moulin à vent.  

( sans prétention… !)

 Il semblerait que la Perse (Iran) connaissait le moulin à vent dès le 6ème siècle. Des constructions existent en Afghanistan (7ème siècle) et en Chine (10ème siècle). 

 

 

 

 

 

 

 

 Le moulin afghan est connu dès 940 dans la région du Séistan grâce aux géographes arabes Mas’udi et Al Farsi al Istakri. C’est un moulin à axe vertical entouré d’une maçonnerie dirigeant le vent vers la pale descendante. Bien qu’oriental, il n’est pas orientable ! Il est adapté au vent dominant, « vent des 120 jours » de cette région. Les pales étaient végétales. La variante chinoise fonctionne sur le même principe. Née dans les régions maritimes, elle comporte 8 toiles verticales (voiles de jonques lattées) articulées. Un cordage retient face au vent la face descendante.  

En Europe, la présence d’un moulin à vent est signalée en 870 à l’abbaye de Croyland en Angleterre. Le statut de la République d’Arles (1162-1180) mentionne l’activité de moulins à vent.  Le péage de Tarascon confirme le fait quelques années plus tard. Cette arrivée en France suit le retour des croisés du Moyen Orient. On les appelle « tours ailées » ou « moulins turquois ». Il est remarquable que les voiles des moulins issus de la tradition orientale soient triangulaires.  

Les premiers moulins à « trépieds » sont signalés en 1180, à l’abbaye de Saint Sauveur le Vicomte en Basse Normandie. D’autres existent au 10ème siècle en Espagne (Tarragone). Les premières représentations se trouvent dans le rentier d’Audenarde et le psautier de Saint Vaast d’Arras vers 1270. Un acte de 1251 en signale 21 dans la région du Nord entre Saint Omer et Cassel. 

La réalisation des moulins était confiée aux charpentiers, « maîtres de l’art du trait » et de l’équilibre des formes qui transmettent les forces dans les trois dimensions. Certains auteurs pensent qu’ils auraient mis à profit l’expérience acquise par les charpentiers de marine et en particulier ceux du nord de l’Europe passés maîtres dans la construction des bateaux de haute mer (Vikings). Si l’idée du moulin à vent naît en orient, la réalisation du moulin sur pivot et de ses équilibres complexes relève d’une maîtrise et d’une expérience acquises peut-être face à l’élément liquide… On souligne la parenté entre les charpentes des premières toitures d’églises nordiques et les principes de construction des coques de navire. Nos ancêtres ne sont pas passés directement de la construction de huttes à celle des charpentes complexes et extrêmement résistantes que nous connaissons encore.  

Cependant, le moulin sur pivot, soumis à des forces considérables a une durée de vie relativement brève et doit être constamment entretenu. Le rendement lui-même est limité par la transmission de puissance réalisé avec des engrenages en bois d’un rendement faible : plus de 60% de pertes pour 30 KW disponibles sur l’arbre moteur, donc seulement 12 KW utiles ! Et pourtant, les petits de l’école de Dosches ont pu vérifier  l’extraordaire facilité avec laquelle on peut faire tourner cet axe. De même, au cours d’un voyage à Villeneuve d’Ascq, nous avions constaté avec surprise qu’il n’était pas nécessaire d’être un colosse pour mettre la cage « face au vent ».  

 

Le moulin médiéval est un privilège seigneurial. A partir du 10ème siècle, l’autorité royale s’affaiblit et le pouvoir passe progressivement aux mains des seigneurs. Usant de leur pouvoir de commandement, ils établissent leur domination économique. Ils prélèvent des droits sur les paysans, obligés de venir moudre leur grain au moulin seigneurial. Celui-ci est appelé moulin « banal » . C’est le cas notamment du moulin du Buisson Renard à Géraudot :  

« Tous les habitants doivent y représenter les grains nécessaires à leur nourriture et les y faire moudre s’il n’y a empêchement ou trop grande presse » ,  précise le relevé des droits des Seigneurs de Géraudot  établi par E. Bernot. Ce privilège aura pour conséquence une entrave à la construction de nouveaux moulins, surtout à la fin de l’ancien régime. Ce droit seigneurial fut aboli par le décret du 4 août 1789 et la loi des 15-28 mars 1790. Le 3 mars 1791, un avis public précisait que « chaque particulier peut ériger sur son terrain des moulins à vent… »  

Des moulins de toutes sortes. 

 

Holà ! Holà ! Je sis l’Rouai des Géants. 

Sans cesse dans l’haut d’ma tour,  

J’êcrase de jour en jour  

L’s avaines, les bliés et froments  

Pour les fermiers d’alentours…  

Notre contrée connaît principalement le moulin à grain, destiné aux céréales. On oublie trop que la machine, une fois lancée peut entraîner toutes sortes de  mécaniques. Le grand moulin de Villeneuve d’Ascq est un moulin à huile, les ailes entraînant non pas une meule, mais des pilons actionnés par un arbre à came. Le Musée de la marine à Rochefort montre de belles maquettes de moulins destinés à broyer les colorants. On l’utilise en papeterie pour broyer les tissus, en filature pour entraîner les métiers, pour forger, scier, pomper l’eau. Ce dernier usage étant particulièrement représenté aux Pays-Bas. Le moulin à tan broie les écorces de chêne pour préparer le tannage des peaux.  

Il fallait évidemment que l’usage justifiât la mise en œuvre d’une grande force motrice. L’huilerie de Mesnil-Sellières se contentait d’une meule actionnée par un cheval. ( face à la mare du bas) 

 

 

 

De là haut je r’gardeen bas,  

Suis la campagne flieuthissante  

Et les récoltes meuthissantes,  

Et au grand vent j’êtends mes bras  

Car tout ch’la s’sa pour mé pu tard. 

 

Traditions.  

Avec ses grandes ailes, le moulin était le centre du village. Visibles de loin, les toiles blanches ou rouges selon la matière première traitée (blanche pour la farine, rouge pour l’huile) animaient le paysage. Le meunier pouvait correspondre avec ses confrères en utilisant la position de la voilure des ailes.

Placées en croix de Saint-André, elles signifiaient que le moulin était au repos. La croix grecque annonçait la reprise du travail. La position « venante » aile du bas légèrement à gauche annonçait un heureux événement, la « partante », un deuil. Alors, le meunier plaçait le moulin face au convoi funéraire. Ces signaux sont les plus connus, mais il en était d’autres connus des seuls meuniers. C’est la raison pour laquelle, pendant les guerres, les meuniers étaient souvent soupçonnés d’espionnage.  

Lors des fêtes, on décorait les ailes de volants, de fleurs, de symboles : cœurs, soleils, amours. Le moulin lui-même était placé sous la protection de saint Donat, invoqué contre la foudre et les tempêtes. Quand aux meuniers, ils invoquaient généralement Saint-Victor, mais la tradition variait selon les régions.  

 

Erwin Shriever.

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